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gnaient rien des Dieux, qui étaient de véritables Athées ?

Bayle examine ensuite si l’idolatrie est plus dangereuse que l’Athéïsme, si c’est un crime plus grand de ne point croire à la Divinité que d’avoir d’elle des opinions indignes ; il est en cela du sentiment de Plutarque ; il croit qu’il vaut mieux n’avoir nulle opinion, qu’une mauvaise opinion ; mais, n’en déplaise à Plutarque, il est évident qu’il valait infiniment mieux pour les Grecs de craindre Cérès, Neptune & Jupiter, que de ne rien craindre du tout ; il est clair que la sainteté des serments est nécessaire, & qu’on doit se fier davantage à ceux qui pensent qu’un faux serment sera puni, qu’à ceux qui pensent qu’ils peuvent faire un faux serment avec impunité. Il est indubitable que dans une ville policée, il est infiniment plus utile d’avoir une religion (même mauvaise) que de n’en avoir point du tout.

Il paraît donc que Bayle devait plutôt examiner quel est le plus dangereux, du fanatisme, ou de l’Athéïsme. Le fanatisme est certainement mille fois plus funeste ; car l’Athéïsme n’inspire point de passion sanguinaire, mais le fanatisme en inspire : l’Athéïsme ne s’oppose pas aux crimes, mais le fanatisme les fait commettre. Supposons avec l’auteur du Commentarium rerum Gallicarum, que le chancelier de l’Hôpital fût Athée, il n’a fait que de sages loix, & n’a conseillé que la modération & la concorde. Les fanatiques commirent les massa-