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lusions en foule sont les ornements de cet ouvrage dont la nature a posé les fondements.

Voilà ce que tu as au-dessus des animaux ; mais si tu goutes tant de plaisirs qu’ils ignorent, que de chagrins aussi, dont les bêtes n’ont point d’idée ! Ce qu’il y a d’affreux pour toi, c’est que la nature a empoisonné dans les trois quarts de la terre les plaisirs de l’amour, & les sources de la vie, par une maladie épouvantable, à laquelle l’homme seul est sujet, & qui n’infecte que chez lui les organes de la génération.

Il n’en est point de cette peste comme de tant d’autres maladies qui sont la suite de nos excès. Ce n’est point la débauche qui l’a introduite dans le monde. Les Phriné, les Laïs, les Flora, les Messalines n’en furent point attaquées, elle est née dans des Isles où les hommes vivaient dans l’innocence, & de là elle s’est répandüe dans l’ancien monde.

Si jamais on a pû accuser la nature de mépriser son ouvrage, de contredire son plan, d’agir contre ses vuës, c’est dans cette occasion. Est-ce là le meilleur des mondes possibles ? Eh quoi, si César, Antoine, Octave, n’ont point eu cette maladie, n’était-il pas possible qu’elle ne fît point mourir François Ier ? Non, dit-on, les choses étaient ainsi ordonnées pour le mieux ; je le veux croire, mais cela est triste pour ceux à qui Rabelais a dédié son livre.