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La plupart des animaux qui s’accouplent ne goûtent de plaisir que par un seul sens, & dès que cet appétit est satisfait, tout est éteint. Aucun animal, hors toi, ne connaît les embrassements ; tout ton corps est sensible ; tes lèvres surtout jouïssent d’une volupté que rien ne lasse, & ce plaisir n’appartient qu’à ton espèce ; enfin, tu peux dans tous les temps te livrer à l’amour, & les animaux n’ont qu’un temps marqué. Si tu réfléchis sur ces prééminences, tu diras avec le comte de Rochester, L’amour dans un pays d’Athées, ferait adorer la Divinité.

Comme les hommes ont reçu le don de perfectionner tout ce que la nature leur accorde, ils ont perfectionné l’amour. La propreté, le soin de soi-même, en rendant la peau plus délicate, augmente le plaisir du tact, & l’attention sur sa santé rend les organes de la volupté plus sensibles.

Tous les autres sentiments entrent ensuite dans celui de l’amour, comme des métaux qui s’amalgament avec l’or : l’amitié, l’estime viennent au secours ; les talents du corps & de l’esprit sont encor de nouvelles chaînes.

Nam facit ipsa suis interdum fæmina factis,
Morigerisque modis & mundo corpore cultu
Ut facile insuescat secum vir degere vitam.

Lucrèce Liv. V.

L’amour propre surtout resserre tous ces liens. On s’applaudit de son choix, & les il-