Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 1.djvu/275

Cette page n’a pas encore été corrigée

que Dieu a placés dans l’immensité de l’espace qu’on nomme le ciel. Mais cette idée si ancienne & si fausse, que le ciel a été fait pour la terre, a presque toujours prévalu chez le peuple ignorant. C’est à peu près comme si on disait que Dieu créa toutes les montagnes & un grain de sable, & qu’on s’imaginât que ces montagnes ont été faites pour ce grain de sable. Il n’est guère possible que les Phéniciens si bons navigateurs n’eussent pas de bons astronomes : mais les vieux préjugés prévalaient, & ces vieux préjugés furent la seule science des Juifs.

« La terre était tohu bohu & vuide ; les ténèbres étaient sur la face de l’abîme, & l’esprit de Dieu était porté sur les eaux. »

Tohu-bohu signifie précisément chaos, désordre ; c’est un de ces mots imitatifs qu’on trouve dans toutes les langues, comme sens dessus dessous, tintamarre, trictrac. La terre n’était point encor formée telle qu’elle est ; la matière existait, mais la puissance divine ne l’avait point encor arrangée. L’esprit de Dieu signifie le souffle, le vent qui agitait les eaux. Cette idée est exprimée dans les fragments de l’auteur phénicien Sanchoniaton. Les Phéniciens croyaient comme tous les autres peuples la matière éternelle. Il n’y a pas un seul auteur dans l’antiquité qui ait jamais dit qu’on eût tiré quelque chose du néant. On ne trouve même dans toute la Bible aucun passage où il soit dit que la matière ait été faite de rien.