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se massacrer, puisque les brames & les quakers ne tuent personne ; mais la pâte dont nous sommes pétris produit souvent des massacres, comme elle produit des calomnies, des vanités, des persécutions & des impertinences. Ce n’est pas que la formation de l’homme soit précisément la cause finale de nos fureurs & de nos sottises ; car une cause finale est universelle & invariable en tout temps & en tout lieu. Mais les horreurs & les absurdités de l’espèce humaine n’en sont pas moins dans l’ordre éternel des choses. Quand nous battons notre blé, le fléau est la cause finale de la séparation du grain ; mais si ce fléau en battant mon grain écrase mille insectes, ce n’est pas par ma volonté déterminée, ce n’est pas non plus par hasard ; c’est que ces insectes se sont trouvés cette fois sous mon fléau, & qu’ils devaient s’y trouver.

C’est une suite de la nature des choses, qu’un homme soit ambitieux, que cet homme enrégimente quelquefois d’autres hommes, qu’il soit vainqueur, ou qu’il soit battu ; mais jamais on ne pourra dire, L’homme a été créé de Dieu pour être tué à la guerre.

Les instruments que nous a donnés la nature ne peuvent être toujours des causes finales en mouvement qui aient leur effet immanquable. Les yeux donnés pour voir ne sont pas toujours ouverts ; chaque sens a ses temps de repos. Il y a même des sens dont on ne fait jamais d’usage. Par exemple, une malheureuse imbécile enfermée