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est ridicule d’admettre la Providence dans un cas, & de la nier dans les autres. Tout ce qui est fait a été prévu, a été arrangé. Nul arrangement sans objet, nul effet sans cause ; donc tout est également le résultat, le produit d’une cause finale ; donc il est aussi vrai de dire que les nez ont été faits pour porter des lunettes, & les doigts pour être ornés de diamants, qu’il est vrai de dire que les oreilles ont été formées pour entendre les sons, & les yeux pour recevoir la lumière.

Je crois qu’on peut aisément éclaircir cette difficulté, quand les effets sont invariablement les mêmes, en tous lieux & en tout temps ; quand ces effets uniformes sont indépendants des êtres auxquels ils appartiennent, alors il y a visiblement une cause finale.

Tous les animaux ont des yeux, & ils voient ; tous ont des oreilles, & ils entendent ; tous une bouche par laquelle ils mangent ; un estomac, ou quelque chose d’approchant, par lequel ils digèrent ; tous un orifice qui expulse les excréments, tous un instrument de la génération : & ces dons de la nature opèrent en eux sans qu’aucun art s’en mêle. Voilà des causes finales clairement établies, & c’est pervertir notre faculté de penser, que de nier une vérité si universelle.

Mais les pierres en tout lieu & en tout temps, ne composent pas des bâtiments ; tous les nez ne portent pas des lunettes ; tous les doigts n’ont pas une bague ; toutes les jambes ne sont pas couvertes