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eux ; leurs yeux s’enflammaient, leurs membres tremblaient, la fureur défigurait leur visage ; & ils auraient tué quiconque les eût contredits.

Il n’y a d’autre remède à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique, qui répandu de proche en proche adoucit enfin les mœurs des hommes, & qui prévient les accès du mal ; car dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir, & attendre que l’air soit purifié. Les loix & la religion ne suffisent pas contre la peste des ames ; la religion loin d’être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. Ces misérables ont sans cesse présent à l’esprit l’exemple d’Aod, qui assassine le roi Églon ; de Judith, qui coupe la tête d’Holopherne en couchant avec lui ; de Samuel qui hache en morceaux le roi Agag : ils ne voient pas que ces exemples qui sont respectables dans l’antiquité, sont abominables dans le temps présent ; ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne.

Les loix sont encor très-impuissantes contre ces accès de rage ; c’est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’esprit saint qui les pénètre, est au-dessus des loix, que leur enthousiasme est la seule loi qu’ils doivent entendre.

Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, & qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ?