Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 1.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée

égalité

Que doit un chien à un chien, & un cheval à un cheval ? Rien, aucun animal ne dépend de son semblable ; mais l’homme ayant reçu le rayon de la Divinité qu’on appelle raison, quel en est le fruit ? c’est d’être esclave dans presque toute la terre.

Si cette terre était ce qu’elle semble devoir être, c’est-à-dire, si l’homme y trouvait partout une subsistance facile & assurée, & un climat convenable à sa nature, il est clair qu’il eût été impossible à un homme d’en asservir un autre. Que ce globe soit couvert de fruits salutaires, que l’air qui doit contribuer à notre vie ne nous donne point les maladies & la mort, que l’homme n’ait besoin d’autre logis & d’autre lit que celui des daims & des chevreuils ; alors les Gengiskan & les Tamerlan n’auront de valets que leurs enfans, qui seront assez honnêtes gens pour les aider dans leur vieillesse.

Dans cet état si naturel dont jouissent tous les quadrupèdes, les oiseaux & les reptiles, l’homme serait aussi heureux qu’eux, la domination serait alors une chimère, une absurdité à laquelle personne ne penserait ; car pourquoi chercher des serviteurs quand vous n’avez besoin d’aucun service ?

S’il passait par l’esprit à quelque individu à tête tyrannique & à bras nerveux d’asservir son voisin