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586 LA GUERRE CIVILE DE GENÈVE. [m]

Le grand Troncliin avec sa mine affable. Du genre humain voilà le sort fatal : Nous buvons tous dans une coupe amère Le jus du fruit que mangea notre mère: Et du bien même il naît encor du mal. Lui, d'un pas grave et d'une marche lente. Laisse gronder la troupe turbulente, Monte en carrosse, et s'en va dans Paris Prendre son rang parmi les beaux esprits.

Genève alors est en proie au tumulte, A la menace, à la crainte, à l'insulte : Tous contre tous, Bitet contre Bitet, Chacun écrit, chacun fait un projet; On représente, et puis on représente ; A penser creux tout bourgeois se tourmente ; Un prédicant donne à l'autre un soufflet ; Comme la horde à Moïse attachée Vit autrefois, à son très-grand regret, Sédékia, prophète peu discret. Qui souffletait le prophète Michée K

Quand le soleil, sur la fin d'un beau jour. De ses rayons dore encor nos rivages. Que Philomèle enchante nos bocages, Que tout respire et la paix et l'amour. Nul ne prévoit qu'il viendra des orages. D'où partent-ils? dans quels antres profonds Étaient cachés les fougueux aquilons ? Où dormaient-ils? quelle main, sur nos têtes. Dans le repos retenait les tempêtes? Quel noir démon soudain trouble les airs? Quel bras terrible a soulevé les mers? On n'en sait rien. Les savants ont beau dire Et beau rêver, leurs systèmes font rire. Ainsi Genève, en ces jours pleins d'effroi. Était en guerre, et sans savoir pourquoi.

Près d'une église à Pierre consacrée, Très-sale église, et de Pierre abhorrée,

��1. Voyez les Paralipomènes, liv, II, ch. xviii, v. 23, Or Sédékia, fils de Kanaa, s'approcha de Michce, lui donna un soufflet, et lui dit : « Par où l'esprit du Seigneur a-t-il passé pour aller de ma main à ta joue (et, selon la Vulgate, de toi à moi)? [Note de Voltaire, 1708.)

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