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A M. (-LOCIMTKK. 499

Le vingt-troisième chapitre est encore beaucoup plus fort. Ce sont Jcs deux sœurs Oolla et Oliba qui se sont abandonnées aux pins inlamcs prostitutions; Oolla a aimé avec fureur de jeunes officiers et de jeunes magistrats : « Oliba insanivit amore super concul)itum eoruni qui babcnt membra asinorum, etsicut fluxus equorum fluxus corum. »

Vous voyez évidemment que dans ces temps-là on ne faisait point scrupule de découvrir ce que nous voilons, de nommer ce que nous n'osons dire, et d'exprimer les turpitudes par les noms des turpitudes.

D'où vient notre délicatesse? c'est que plus les mœurs sont dépravées, i)lus les expressions deviennent mesurées. On croit regagner en paroles ce qu'on a perdu en vertu. La pudeur s'est enfuie des cœurs, et s'est réfugiée sur les lèvres. Les hommes sont enfin parvenus à vivre ensemble sans se dire jamais un seul mot de ce qu'ils sentent et de ce qu'ils pensent; la nature est partout déguisée, tout est un commerce de tromperie.

Rien de plus naturel, de plus ingénu, de plus simple, de plus vrai, que le Cantique des cantiques; donc il n'est pas fait pour notre langue, disent ces hypocrites qui lisent VAÎoïsia^, et qui prennent des airs graves en sortant des lieux que fréquentait Oliba.

La trajduction que j'ai faite de cette ancienne égiogue hébraïque n'est point indécente; elle est tendre, elle est noble, elle n'est point recherchée comme celle de Théodore de Bèze :

Ecce tu bollissima His colunibis praedita Pselulis ocellulis, Hinc et inde pendulis Grispulis cincinnulis.

J'ai eu surtout l'attention de ne point traduire les endroits dont l'esprit licencieux de quelques jeunes gens abuse quelque- fois. Plusieurs interprètes n'ont fait aucune difficulté de traduire littéralement ce passage : « Misit manum ad foramen, etintremuit venter meus-; » et cet autre:" Absque eo quod intrinsecus Iatet\ »

1. C'est ainsi qu'on désigne l'ouvrage intitulé Joannis Meursii elegantiœ latmi sermonis : Aloysiœ Sigeœ Toletanœ Salirœ sotadicœ de arcanis Amoris et Vene- ris, dont l'autour est Nicolas Chorier, avocat à Grenoble, mort en 1G92, et qui a été traduit en français sous le titre d'Académie des dames. (B.)

2. Cantique des cantiques, ch. v, v. 4.

3. Id., ch. IV, V. 3.

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