Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

PRÉFACE[1].

On sait assez que ce poëme n’avait pas été fait pour être public ; c’était depuis trois ans un secret entre un grand roi[2] et l’auteur. Il n’y a que trois mois qu’il s’en répandit quelques copies dans Paris, et bientôt après il y fut imprimé plusieurs fois d’une manière aussi fautive que les autres ouvrages qui sont partis de la même plume.

Il serait juste d’avoir plus d’indulgence pour un écrit secret, tiré de l’obscurité où son auteur l’avait condamné, que pour un ouvrage qu’un écrivain expose lui-même au grand jour. Il serait encore juste de ne pas juger le poëme d’un laïque comme on jugerait une thèse de théologie. Ces deux poëmes[3] sont les fruits d’un arbre transplanté : quelques-uns de ces fruits peuvent n’être pas du goût de quelques personnes ; ils sont d’un climat étranger, mais il n’y en a aucun d’empoisonné, et plusieurs peuvent être salutaires.

Il faut regarder cet ouvrage comme une lettre où l’on expose en liberté ses sentiments. La plupart des livres ressemblent à ces conversations générales et gênées dans lesquelles on dit rarement ce qu’on pense. L’auteur a dit ce qu’il a pensé à un prince philosophe auprès duquel il avait alors l’honneur de vivre. Il a appris que des esprits éclairés n’ont pas été mécontents de cette ébauche : ils ont jugé que le poëme sur la Loi naturelle est une préparation à des vérités plus sublimes. Cela seul aurait déterminé l’auteur à rendre l’ouvrage plus complet et plus correct, si ses infirmités l’avaient permis. Il a été obligé de se borner à corriger les fautes dont fourmillent les éditions qu’on en a faites.

Les louanges données dans cet écrit à un prince qui ne cher-

  1. Cette préface est de 1756.
  2. Frédéric, roi de Prusse ; voyez la note 2, page 433.
  3. L’auteur parle ici du poëme sur le Désastre de Lisbonne, qui parut avec celui sur la Loi naturelle.