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Frappons, chassons ces dogues britanniques :
Punissons-les, par quelque nouveau tour,
De tout le mal qu’ils doivent faire un jour. »
PuDes Gallicans ainsi parlait l’apôtre,
De maudissons lardant sa patenôtre[1] ;
Et cependant que tout seul il parlait,
Dans Orléans un conseil se tenait.
Par les Anglais cette ville bloquée,
Au roi de France allait être extorquée.
Quelques seigneurs et quelques conseillers,
Les uns pédants et les autres guerriers,
Sur divers tons déplorant leur misère,
Pour leur refrain disaient : « Que faut-il faire ? »
Poton, La Hire, et le brave Dunois[2],
S’écriaient tous en se mordant les doigts :
« Allons, amis, mourons pour la patrie,
Mais aux Anglais vendons cher notre vie. »
Le Richemont criait tout haut : « Par Dieu,
Dans Orléans il faut mettre le feu ;
Et que l’Anglais, qui pense ici nous prendre,
N’ait rien de nous que fumée et que cendre. »
QuPour La Trimouille, il disait : « C’est en vain
Que mes parents me firent Poitevin ;
J’ai dans Milan laissé ma Dorothée :
Pour Orléans, hélas ! je l’ai quittée.
Je combattrai, mais je n’ai plus d’espoir :
Faut-il mourir, ô ciel ! sans la revoir ! »
Le président Louvet[3], grand personnage,
Au maintien grave, et qu’on eût pris pour sage,
Dit : « Je voudrais que préalablement
Nous fissions rendre arrêt de parlement
Contre l’Anglais, et qu’en ce cas énorme
Sur toute chose on procédât en forme. »

  1. Réminiscence de ces vers de J.-B. Rousseau :

    Pour un procès tous deux s’étant émus,
    De maudissons lardaient leurs oremus.

    Épigrammes, I, xviii.
  2. Poton de Saintrailles, La Hire, grands capitaines ; Jean de Dunois, fils naturel de Louis d’Orléans et de la comtesse d’Enghien ; Richemont, connétable de France, depuis duc de Bretagne ; La Trimouille, d’une grande maison du Poitou. (Note de Voltaire, 1762.)
  3. Le président Louvet, ministre d’État sous Charles VII. (Id., 1762.)