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��410 CINQUIKMK DISCOURS. ,20!

Tout mortel au plaisir a dû son existence; Par lui le corps agit, le cœur sent, l'esprit pense. Soit que du doux sommeil la main ferme vos yeux, Soit que le jour pour vous vienne embellir les cieux. Soit que, vos sens flétris cherchant leur nourriture, L'aiguillon de la faim presse en vous la nature, Ou que l'amour vous force en des moments plus doux A produire un autre être, à revivre après vous; Partout d'un Dieu clément la bonté salutaire Attache à vos besoins un plaisir nécessaire. Les mortels, en un mot, n'ont point d'autre moteur.

Sans l'attrait du plaisir, sans ce charme vainqueur, Qui des lois de l'hymen eût subi l'esclavage? Quelle beauté jamais aurait eu le courage De porter un enfant dans son sein renfermé; Qui déchire en naissant les flancs qui l'ont formé ; De conduire avec crainte une enfance imbécile, Et d'un âge fougueux l'imprudence indocile? Ah ! dans tous vos états, en tout temps, en tout lieu, Mortels, à vos plaisirs reconnaissez un Dieu'. Que dis-je? à vos plaisirs! c'est à la douleur même Que je connais de Dieu la sagesse suprême. Ce sentiment si prompt dans nos cœurs répandu. Parmi tous nos dangers sentinelle assidu. Dune voix salutaire incessamment nous crie: « Ménagez, défendez, conservez votre vie, » Chez de sombres dévots l'amour-propre est damné ; C'est l'ennemi de l'homme, aux enfers il est né. Vous vous trompez, ingrats; c'est un don de Dieu même, . Tout amour vient du ciel : Dieu nous chérit, il s'aime; Nous nous aimons dans nous, dans nos biens, dans nos fils, Dans nos concitoyens, surtout dans nos amis : Cet amour nécessaire est l'âme de notre âme ; Notre esprit est porté sur ses ailes de flamme.

Oui, pour nous élever aux grandes actions. Dieu nous a, par bonté, donné les passions^ :

1. Comme presque tous les mots d'une langue peuvent ôtre entendus eu plus d'un sens, il est bon d'avertir ici qu'on entend par le mot passions des désirs vifs et continus de quoique bien que ce puisse être. Ce mot vient de pâtir, souffrir, parce qu'il n'y a aucun désir sans souffrance : désirer un bien, c'est souffrir de l'absence de ce bien, c'est pâfi'r, c'est avoir une passion; et le premier pas vers le plaisir est essentiellement un soulagement de cette souffrance. Les vicieux et les

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