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DEUXIÈME DISCOURS[1]


DE LA LIBERTÉ.
On entend par ce mot Liberté le pouvoir de faire ce qu’on veut. Il n’y a et ne peut y avoir d’autre Liberté. C’est pourquoi Locke l’a si bien définie Puissance.

    Dans le cours de nos ans, étroit et court passage,
Si le bonheur qu’on cherche est le prix du vrai sage,
Qui pourra me donner ce trésor précieux ?
Dépend-il de moi-même ? est-ce un présent des cieux ?
Est-il comme l’esprit, la beauté, la naissance,
Partage indépendant de l’humaine prudence ?
Suis-je libre en effet ? ou mon âme et mon corps
Sont-ils d’un autre agent les aveugles ressorts ?
Enfin ma volonté, qui me meut, qui m’entraîne,
Dans le palais de l’âme est-elle esclave ou reine ?

    Obscurément plongé dans ce doute cruel,
Mes yeux, chargés de pleurs, se tournaient vers le ciel,
Lorsqu’un de ces esprits que le souverain Être
Plaça près de son trône, et fit pour le connaître,
Qui respirent dans lui, qui brûlent de ses feux.
Descendit jusqu’à moi de la voûte des cieux ;
Car on voit quelquefois ces fils de la lumière
Éclairer d’un mondain l’âme simple et grossière,
Et fuir obstinément tout docteur orgueilleux
Qui dans sa chaire assis pense être au-dessus d’eux,
Et, le cerveau troublé des vapeurs d’un système,
Prend ces brouillards épais pour le jour du ciel même.

    « Écoute, me dit-il, prompt à me consoler,
Ce que tu peux entendre et qu’on peut révéler.
J’ai pitié de ton trouble ; et ton âme sincère,

  1. Voyez sur ce discours la lettre de Frédéric à Voltaire, du 17 février 1738, et celle de Voltaire à Frédéric, du 8 mars, même année.