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LA MORT
DE
Mlle  LECOUVREUR[1]
CÉLÈBRE ACTRICE.
(1730)


Que vois-je ? quel objet ! Quoi ! ces lèvres charmantes,
Quoi ! ces yeux d’où partaient ces flammes éloquentes,
Eprouvent du trépas les livides horreurs !
Muses, Grâces, Amours, dont elle fut l’image,
O mes dieux et les siens, secourez votre ouvrage !
Que vois-je ? c’en est fait, je t’embrasse, et tu meurs !
Tu meurs ; on sait déjà cette affreuse nouvelle ;
Tous les cœurs sont émus de ma douleur mortelle.
J’entends de tous côtés les beaux-arts éperdus
S’écrier en pleurant : « Melpomène n’est plus ! »
Que direz-vous, race future,
Lorsque vous apprendrez la flétrissante injure
Qu’à ces arts désolés font des hommes cruels ?
Ils privent de la sépulture
Celle qui dans la Grèce aurait eu des autels.
Quand elle était au monde, ils soupiraient pour elle ;
Je les ai vus soumis, autour d’elle empressés :
Sitôt qu’elle n’est plus, elle est donc criminelle !


2. Malherbe commence son ode Sur l’attentat commis en la personne de Henri le Grand le 19 décembre 1C05, par ces vers :

Que direz-vous, races futures,
Si quelquefois un vrai discours
Vous récite les aventures
De nos abominables jours? (B.)

  1. Mlle  Lecouvreur mourut le 20 mars 1730. Voltaire mit beaucoup de réserve à donner des copies de ces vers, si l’on en juge par sa lettre à Thieriot, du 1er mai 1731. Frédéric, alors prince royal de Prusse, les mit en musique ; voyez sa lettre du 20 janvier 1738. (B.)