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LE POUR ET LE CONTRE.

Crois que devant son trône, en tout temps, en tous lieux,
Le cœur du juste est précieux ;

Crois qu’un bonze modeste, un dervis charitable,
Trouvent plutôt grâce à ses yeux

Qu’un janséniste impitoyable,

Ou qu’un pontife ambitieux.
Eh ! qu’importe en effet sous quel titre on l’implore ?

Tout hommage est reçu, mais aucun ne l’honore.
Un Dieu n’a pas besoin de nos soins assidus :

Si l’on peut l’offenser, c’est par des injustices :
Il nous juge sur nos vertus,
Et non pas sur nos sacrifices[1].


  1. À propos même de l’Épître à Uranie, le chancelier d’Aguesseau demandant à Langlois, son secrétaire, ce qu’il en pensait : « Monseigneur, répondit celui-ci, Voltaire doit être renfermé dans un endroit où il n’ait jamais ni plume, ni encre, ni papier. Par le tour de son esprit, cet homme peut perdre un État. » (Gab. Brottier. Paroles mémorables, Paris, 1790, p. 303.)

    L’archevêque de Paris, M. de Vintimille, se plaignit fortement au lieutenant de police, qui ne put se dispenser de donner satisfaction au prélat. Voltaire est mandé à la barre de M. Hérault ; mais sa réponse était toute faite : l’épître n’était pas de lui, elle était de l’abbé de Chaulieu à qui il prétendait l’avoir entendu réciter... On ne fut pas dupe du désaveu de Voltaire, et les plus fins ne s’y méprirent point. Mais on voulut bien pour cette fois se contenter de ses dénégations ; il fit le mort, et essuya sans y répondre les attaques dont l’auteur anonyme de l’Épître à Uranie fut l’objet de la part des poëtes religieux, qui trouvèrent là une occasion de faire preuve d’orthodoxie « en ce temps de carême propre aux réflexions sérieuses », nous dit le Mercure en les reproduisant. (G. D.)