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Conduis à fin cette aventure honnête ;
Ainsi le ciel te conserve la tête ! "



Du haut du ciel saint Denys l’entendit,
Et dans le camp son âne la sentit :
Il sentit Jeanne ; et d’un battement d’aile,
La tête haute, il s’envole vers elle.
Il s’agenouille, il demande pardon
Des attentats de sa tendresse impure.
" Je fus, dit-il, possédé du démon ;
Je m’en repens. " Il pleure, il la conjure
De le monter ; il ne saurait souffrir
Que sous sa Jeanne un autre ose courir.
Jeanne vit bien qu’une vertu divine
Lui ramenait la volatile asine.
Au pénitent sa grâce elle accorda,
Fessa son âne, et lui recommanda
D’être à jamais plus discret et plus sage.
L’âne le jure, et, rempli de courage,
Fier de sa charge, il la porte dans l’air.



Sur les Anglais il fond comme un éclair,
Comme un éclair que la foudre accompagne.
Jeanne eu volant inonde la campagne
De flots de sang, de membres dispersés,
Coupe cent cous l’un sur l’autre entassés.



Dans son croissant de la nuit la courrière
Lui fournissait sa douteuse lumière.
L’Anglais surpris, encor tout étourdi,
Regarde en haut d’où le coup est parti ;
Il ne voit point la lance qui le tue.
La troupe fuit, égarée, éperdue,
Et va tomber dans les mains de Dunois.
Charles se voit le plus heureux des rois.
Ses ennemis à ses coups se présentent,
Tels que perdreaux en l’air éparpillés,
Tombant en foule et par le chien pillés,
Sous le fusil la bruyère ensanglantent.
La voix de l’âne inspire la terreur ;
Jeanne d’en haut étend son bras vengeur,
Poursuit, pourfend, perce, coupe, déchire ;
Dunois assomme ; et le bon Charles tire
A son plaisir tout ce qui fuit de peur.



Le beau Talbot, tout enivré des charmes