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Sur des lauriers nous coucherons ensemble. "



A ce propos le bâtard s’adoucit ;
Il écouta l’oracle et se soumit.
Jeanne reçut son pur et doux hommage
Modestement, et lui donna pour gage
Trente baisers chastes, pleins de pudeur,
Et tels qu’un frère en reçoit de sa sœur.
Dans leurs désirs tous deux ils se continrent,
Et de leurs faits honnêtement convinrent.
Denys les voit ; Denys, très-satisfait,
De ses projets pressa le grand effet.



Le preux Talbot devait, cette nuit même,
Dans Orléans entrer par stratagème ;
Exploit nouveau pour ses Anglais hautains,
Tous gens sensés, mais plus hardis que fins.



O dieu d’amour ! ô faiblesse ! ô puissance !
Amour fatal, tu fus près de livrer
Aux ennemis ce rempart de la France.
Ce que l’Anglais n’osait plus espérer,
Ce que Bedfort et son expérience,
Ce que Talbot et sa rare vaillance
Ne purent faire, Amour, tu l’entrepris !
Tu fais nos maux, cher enfant, et tu ris !



Si dans le cours de ses vastes conquêtes
Il effleura de ses flèches honnêtes
Le cœur de Jeanne, il lança d’autres coups
Dans les cinq sens de notre présidente.
Il la frappa de sa main triomphante
Avec les traits qui rendent les gens fous.
Vous avez vu la fatale escalade,
L’assaut sanglant, l’horrible canonnade,
Tous ces combats, tous ces hardis efforts,
Au haut des murs, en dedans, en dehors,
Lorsque Talbot et ses fières cohortes
Avaient brisé les remparts et les portes,
Et que sur eux tombaient du haut des toits
Le fer, la flamme, et la mort à la fois.
L’ardent Talbot avait, d’un pas agile,
Sur des mourants pénétré dans la ville,
Renversant tout, criant à haute voix :
" Anglais ! entrez : bas les armes, bourgeois !
Il ressemblait au grand dieu de la guerre,