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Et plus savant que le pédant Larchet[1],
Modeste auteur de cette noble histoire,
Fut effrayé plus qu’on ne saurait croire,
Quand il fallut, aux siècles à venir,
De ces excès transmettre la mémoire.
De ses trois doigts il eut peine à tenir
Sur son papier sa plume épouvantée ;
Elle tomba : mais son âme agitée
Se rassura, faisant réflexion
Sur la malice et le pouvoir du diable.



Du genre humain cet ennemi coupable
Est tentateur de sa profession ;
Il prend les gens en sa possession ;
De tout péché ce père formidable,
Rival de Dieu, séduisit autrefois
Ma chère mère, un soir au coin d’un bois[2],
Dans son jardin. Ce serpent hypocrite
Lui fit manger une pomme maudite :
Même on prétend qu’il fit encore pis.
On la chassa de son beau paradis.
Depuis ce jour Satan dans nos familles
A gouverné nos femmes et nos filles.
Le bon Trithème en avait dans son temps
Vu de ses yeux des exemples touchants.
Voici comment ce grand homme raconte
Du saint baudet l’insolence et la honte.



La grosse Jeanne, au visage vermeil,
Qu’ont rafraîchi les pavots du sommeil,
Entre ses draps doucement recueillie,

  1. Le pédant Larchet mazarinier ridicule, homme de college qui, dans un livre de critique, assure, d’après Hérodote, qu’à Babylone toutes les dames se prostituaient dans le temple par dévotion, et que tous les jeunes Gaulois étaient sodomites. (Note de Voltaire, 1773.) — Larchet désigne P.-H. Larcher. (R.)
  2. Voila comment il convient de parler du diable, et de tous les diables qui ont succéda aux furies, et de toutes les impertinences qui ont succédé aux impertinences antiques. On sait assez que Satan, Belzébuth, Astaroth, n’existent pas plus que Tisiphone, Alecton, et Mégère. Le sombre et fanatique Milton, de la secte des indépendants, détestable secrétaire en langue latine du parlement nommé le Croupion, et détestable apologiste de l’assassinat de Charles 1er, peut, tant qu’il voudra, célébrer l’enfer, et peindre le diable déguisé en cormoran et en crapaud, et faire tenir tous les diables en pygmées dans une grande salle: ces imaginations dégoutantes, affreuses, absurdes, ont pu plaire à quelques fanatiques comme lui. Nous déclarons que nous avons ces facéties abominables en horreur. Nous ne voulons que nous réjouir. (Note de Voltaire, 1773.)