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Comme un vent frais d’abord par son murmure
Frise en sifflant la surface des eaux,
S’élève, gronde, et, brisant les vaisseaux,
Répand l’horreur sur toute la nature :
Tels La Trimouille et le dur Tirconel
Se préparaient au terrible duel
Par ces propos pleins d’ire et de menace.
Ils sont tous deux sans casque et sans cuirasse.
Le Poitevin sur les fleurs du gazon
Avait jeté près de sa Milanaise
Cuirasse, lance, et sabre, et morion,
Tout son harnois, pour être plus à l’aise ;
Car de quoi sert un grand sabre en amours ?
Paul Tirconel marchait armé toujours ;
Mais il laissa dans la chapelle ardente
Son casque d’or, sa cuirasse brillante,
Ses beaux brassards aux mains d’un écuyer.
Il ne garda qu’un large baudrier
Qui soutenait sa lame étincelante.
Il la tira. La Trimouille à l’instant,
Prêt à punir ce brutal insulaire,
D’un saut léger à son arme sautant,
La ramassa tout bouillant de colère,
Et s’écriant : " Monstre cruel, attends,
Et tu verras bientôt ce que mérite
Un scélérat qui, faisant l’hypocrite,
S’en vient troubler un rendez-vous d’amants. "
Il dit, et pousse à l’Anglais formidable.
Tels en Phrygie Hector et Ménélas
Se menaçaient, se portaient le trépas,
Aux yeux d’Hélène affligée et coupable[1].



L’antre, le bois, l’air, le ciel retentit

  1. Vous savez, mon cher lecteur, qu'Hector et Ménélas se battirent, et qu'Hélène les regardait faire tranquillement. Dorothce a bien plus de vertu : aussi notre nation est bien plus vertueuse que celle des Grecs. .Nos femmes sont galantes, mais au fond elles sont beaucoup plus tendres, comme je le prouve dans mon Philosophe chrétien, tome XII, page 169. (Note de Voltaire, 1762.) — On ne connaît de l'auteur de la Pucelle aucun écrit portant le titre de Philosophe chrétien. Il est présumable qu'il y a ici de sa part, comme dans quelques autres endroits, un peu d'ironie. Il serait possible qu'il eût voulu ridiculiser l'exactitude niaise avec laquelle Formey, le secrétaire éternel, citait les tomes et les pages de ses écrits, que personne ne lisait. On a de lui, en effet, le Philosophe chrétien, 1750-56, quatre volumes in-12. C'est un recueil de sermons. (R.)