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Dès son berceau fort mal on l’éleva ;
Le Bourguignon poursuivit sa jeunesse[1] ;
De tous ses droits son père le priva ;
Le parlement de Paris près Gonesse[2],
Tuteur des rois, son pupille ajourna[3] ;
De ses beaux lis un chef anglais s’orna ;
Il fut errant, manqua souvent de messe
Et de dîner ; rarement séjourna
En même lieu. Mère[4], oncle, ami, maîtresse,
Tout le trahit ou tout l’abandonna.
Un page anglais partagea la tendresse
De son Agnès ; et l’enfer déchaîna
Hermaphrodix, qui par magique adresse
Pour quelque temps la tête lui tourna.
Il essuya des traits de toute espèce ;
Il les souffrit, et Dieu lui pardonna.



De nos amants la troupe fière et leste
S’acheminait loin du château funeste
Où Belzébut dérangea le cerveau
Des chevaliers, d’Agnès, et de Bonneau.
Ils côtoyaient la forêt vaste et sombre
Qui d’Orléans porte aujourd’hui le nom.
A peine encor l’épouse de Tithon
En se levant mêlait le jour à l’ombre.
On aperçut de loin des hoquetons,

    :Ange envoyé pour charmer son malheur,

    Agnès enfin avait rempli son cœur.
    Il l’adorait, et fut trahi par elle. (R.)

  1. Le duc de Bourgogne, qui assassina le duc d’Orléans. Mais le bon Charles le lui rendit bien au pont de Montereau. (Note de Voltaire, 1764.)
  2. Gonesse, village auprès de Paris, célèbre par ses boulangers et par plusieurs combats, (Id., 1764.) — En 1773, Voltaire réduisit à ces mots la note qui, en 1764, se terminait ainsi : « Mais surtout par la meilleure manufacture de draps qu’il y eût alors en France. » (R.)

    M. Louis du Bois fait remarquer que cette plaisanterie (de Paris près Gonesse) est imitée d’un vers de Villon, tiré de son épitaphe
    Né de Paris emprès Pontoise.
  3. Charles VII, ajourné à la table de marbre par l’avocat général Desmarets. (Note de Voltaire, 1764.) — Les quatre derniers mots ont été ajoutés en 1773. Voyez la note sur le vers 173 du premier chant. (R.)
  4. Sa propre mère, Isabelle de Bavière, fut celle qui le persécuta le plus. Elle pressa le traité de Troyes, par lequel son gendre, le roi d’Angleterre Henri V, eut la couronne de France. (Note de Voltaire, 1764.)