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Tous ces guerriers après Bonneau courants
Sont à ses yeux des ravisseurs sanglants.
L’épée au poing sur Dunois il s’élance ;
Le beau bâtard se retourne, et lui rend
Sur la visière un énorme fendant.
Ah ! s’il savait que c’est le roi de France,
Qu’il se verrait avec un œil d’horreur !
Il périrait de honte et de douleur.
En même temps Jeanne, par lui frappée,
Lui répondit de sa puissante épée ;
Et le bâtard, incapable d’effroi,
Frappe à la fois sa maîtresse et son roi ;
A droite, à gauche, il lance sur leurs têtes
De mille coups les rapides tempêtes.
Charmant Dunois, belle Jeanne, arrêtez ;
Ciel ! quels seront vos regrets et vos larmes,
Quand vous saurez qui poursuivent vos armes,
Et qui vous frotte, et qui vous combattez !



Le Poitevin, dans l’horrible mêlée,
De temps en temps appesantit son bras
Sur la Pucelle, et rosse ses appas.
L’ami Bonneau ne les imite pas ;
Sa grosse tête était la moins troublée.
Il recevait, mais il ne rendait point.
Il court toujours ; Bonifoux le précède,
Aiguillonné de la peur qui le point.
Le tourbillon que la rage possède,
Tous contre tous, assaillants, assaillis,
Battants, battus, dans ce grand chamaillis,
Criant, hurlant, parcourent le logis.
Agnès en pleurs, Dorothée éperdue,
Crie : " Au secours ! on m’égorge, on me tue. "
Le confesseur, plein de contrition,
Menait toujours cette procession.



Il aperçoit à certaine fenêtre
De ce logis le redoutable maître,
Hermaphrodix, qui contemplait gaiement
Des bons Francais le barbare tourment,
Et se tenait les deux côtés de rire.
Bonifoux vit que ce fatal empire
Était, sans doute, une œuvre du démon.
Il conservait un reste de raison ;