CHANT XVII[1]
Oh ! que ce monde est rempli d’enchanteurs !
Je ne dirai rien des enchanteresses.
Je t’ai passé, temps heureux des faiblesses,
Printemps des fous, bel âge des erreurs ;
Mais à tout âge on trouve des trompeurs,
De vrais sorciers, tout-puissants séducteurs,
Vêtus de pourpre, et rayonnants de gloire.
Au haut des cieux ils vous mènent d’abord,
Puis on vous plonge au fond de l’onde noire,
Et vous buvez l’amertume et la mort[2].
Gardez-vous tous, gens de bien que vous êtes,
De vous frotter à de tels nécromants ;
Et s’il vous faut quelques enchantements,
Aux plus grands rois préférez vos grisettes.
Hermaphrodix a bâti tout exprès
Le beau château qui retenait Agnès,
Pour se venger des belles de la France,
Des chevaliers, des ânes et des saints,
Dont la pudeur et les exploits divins
Avaient bravé sa magique puissance.
Quiconque entrait en ce maudit logis
Méconnaissait sur-le-champ ses amis,
Perdait le sens, l’esprit, et la mémoire.