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Sous ses deux clefs tient la vie et la mort.
Pierre leur dit : " Vous avez pu connaître,
Mes chers amis, quel affront je reçus
Quand je remis une oreille à Malchus.
Je me souviens de l’ordre de mon maître ;
Il fit rentrer mon fer dans son fourreau[1] :
Il m’a privé du droit brillant des armes ;
Mais j’imagine un moyen tout nouveau
Pour décider de vos grandes alarmes.



" Vous, saint Denys, prenez dans ce canton
Les plus grands saints qu’ait vus naître la France ;
Vous, monsieur George, allez en diligence
Prendre les saints de l’île d’Albion.
Que chaque troupe en ce moment compose
Un hymne en vers, non pas une ode en prose.
Houdart[2] a tort ; il faut dans ces hauts lieux
Parler toujours le langage des dieux ;
Qu’on fasse, dis-je, une ode pindarique
Où le poète exalte mes vertus,
Ma primauté, mes droits, mes attributs,
Et que le tout soit mis vite en musique :
Chez les mortels, il faut toujours du temps
Pour rimailler des vers assez méchants ;
On va plus vite au séjour de la gloire.
Allez, vous dis-je, exercez vos talents ;
La meilleure ode obtiendra la victoire,
Et vous ferez le sort des combattants. "



Ainsi parla, du plus haut de son trône,
Aux deux rivaux l’infaillible Barjone ;
Cela fut dit en deux mots tout au plus,
Le laconisme est langue des élus.
En un clin d’œil, les deux rivaux célestes,
Pour terminer leurs querelles funestes,
Vont assembler les saints de leur pays
Qui sur la terre ont été beaux esprits.



Le bon patron qu’on révère à Paris

  1. « Remettez votre épée en son lieu, car qui prendra l'épée périra par l’épée. » Saint Pierre conseille ici avec une piété adroite aux Anglais de ne pas faire la guerre. [Matth., xxvi, h2.] (Note de Voltaire, 1762.)
  2. Lamotte-Houdard, poëte un peu sec, mais qui a fait d’assez bonnes choses, avait malheureusement fait des odes en prose, en 1730; preuve nouvelle que ce poëme divin fut composé vers ce temps-là. (Id., 1762.)