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Mais qu’il respecte au moins la vérité.



O vérité ! vierge pure et sacrée !
Quand seras-tu dignement révérée !
Divinité qui seule nous instruis,
Pourquoi mets-tu ton palais dans un puits ?
Du fond du puits quand seras-tu tirée ?
Quand verrons-nous nos doctes écrivains,
Exempts de fiel, libres de flatterie,
Fidèlement nous apprendre la vie,
Les grands exploits de nos beaux paladins ?
Oh ! qu’Arioste étala de prudence,
Quand il cita l’archevêque Turpin[1] !
Ce témoignage à son livre divin
De tout lecteur attire la croyance.



Tout inquiet encor de son destin,
Vers Orléans Charle était en chemin,
Environné de sa troupe dorée,
D’armes, d’habits richement décorée,
Et demandant à Dunois des conseils,
Ainsi que font tous les rois ses pareils,
Dans le malheur dociles et traitables,
Dans la fortune un peu moins praticables.
Charles croyait qu’Agnès et Bonifoux
Suivaient de loin. Plein d’un espoir si doux,
L’amant royal souvent tourne la tête
Pour voir Agnès, et regarde, et s’arrête ;
Et quand Dunois, préparant ses succès,
Nomme Orléans, le roi lui nomme Agnès.



L’heureux bâtard, dont l’active prudence
Ne s’occupait que du bien de la France,
Le jour baissant, découvre un petit fort

  1. L'archevêque Turpin, à qui l'on attribue la Vie de Charlemagne et de Roland, était archevêque de Reims sur la fin du viiie siècle : ce livre est d'un
    moine nommé Turpin qui vivait dans le onzième, et c'est de ce roman que l'Arioste a tiré quelques-uns de ses contes. Le sage auteur feint ici qu'il a puisé son poëme dans l'abbé Trithême. (Note de Voltaire, 1762.) — Le judicieux et savant M. Daunou, auteur de l'article Turpin de la Biographie universelle, a démontré d'une manière péremptoire que l'archevêque de Reims ne peut être l'auteur du livre de Vita Caroli Magni et Rolandi qui lui est attribué, et que les conjectures de divers historiens sur le véritable auteur de cet ouvrage ne sont fondées sur aucun renseignement positif. L'édition la plus récente de ce livre est celle que M. Sébastien Ciampi a publiée à Florence en 1822, in-8° de XXXVI et 154 pages. (R.)