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AVERTISSEMENT
DES ÉDITEURS DE L’ÉDITION DE KEHL[1].




Ce poëme est un des ouvrages de M. de Voltaire qui ont excité en même temps et le plus d’enthousiasme et les déclamations lesplus violentes. Le jour où M. de Voltaire fut couronné au théâtre, les spectateurs qui l’accompagnèrent en foule jusqu’à sa maison criaient également autour de lui : « Vive la Henriade ! vive Mahomet ! vive la Pucelle ! » Nous croyons donc qu’il ne sera pas inutile d’entrer dans quelques détails historiques sur ce poëme.

Il fut commencé vers l’an 1730 ; et, jusqu’à l’époque où M. de Voltaire vint « s’établir aux environs de Genève, il ne fut connu que des amis de l’auteur, qui avaient des copies de quelques chants, et des sociétés où Thieriot en récitait des morceaux détachés.

Vers la fin de l’année 1755, il en parut une édition imprimée, que M. de Voltaire se hâta de désavouer, et il en avait le droit. Non-seulement cette édition avait été faite sur un manuscrit volé à l’auteur ou à ses amis, mais elle contenait un grand nombre de vers que M. de Voltaire n’avait point faits, et quelques autres qu’il ne pouvait pas laisser subsister, parce que les circonstances auxquelles ces vers faisaient allusion étaient changées : nous en donnerons plusieurs preuves dans les notes qui sont jointes au poëme. La morale permet à un auteur de désavouer les brouillons d’un ouvrage qu’on lui vole, et qu’on publie dans l’intention de le perdre.

On attribue cette édition à La Beaumelle[2], et au capucin Maubert, réfugié en Hollande : cette entreprise devait leur rapporter de l’argent, et compromettre M. de Voltaire. Ils y trouvaient

Leur bien premièrement, et puis le mal d’autrui[3].

Un libraire, nommé Grasset, eut même l’impudence de proposer à M. de Voltaire de lui payer un de ces manuscrits volés, en le menaçant des dan-

  1. Les onze premiers alinéa de cet Avertissement sont de Decroix ; le reste est de Condorcet. (R.)
  2. Cette opinion, que Voltaire lui-même partagea quelque temps, comme on peut le voir par sa correspondance de l’année 1756, paraît avoir été abandonnée par lui dès 1773 ; voyez la note 1 de la page 20. (R.)
  3. La Fontaine, liv. IX, fab. xvii, v. 13.