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Dans un amas de subtile poussière,
Beaux tourbillons que l’on ne prouve guère,
Et que Newton, rêveur bien plus fameux,
Fait tournoyer sans boussole et sans guide
Autour du rien, tout au travers du vide.



George, enflammé de dépit et d’orgueil,
Franchit ce vide, arrive en un clin d’œil
Devers les lieux arrosés par la Loire,
Où saint Denys croyait chanter victoire.
Ainsi l’on voit dans la profonde nuit
Une comète, en sa longue carrière,
Étinceler d’une horrible lumière :
On voit sa queue, et le peuple frémit ;
Le pape en tremble, et la terre étonnée
Croit que les vins vont manquer cette année.



Tout du plus loin que saint George aperçut
Monsieur Denys, de colère, il s’émut ;
Et, brandissant sa lance meurtrière,
Il dit ces mots dans le vrai goût d’Homère[1] :
" Denys, Denys ! rival faible et hargneux,
Timide appui d’un parti malheureux,
Tu descends donc en secret sur la terre
Pour égorger mes héros d’Angleterre !
Crois-tu changer les ordres du destin,
Avec ton âne et ton bras féminin ?
Ne crains-tu pas que ma juste vengeance
Punisse enfin, toi, ta fille, et la France ?
Ton triste chef, branlant sur ton cou tors,
S’est vu déjà séparé de ton corps :
Je veux t’ôter, aux yeux de ton Église,
Ta tête chauve en son lieu mal remise,
Et t’envoyer vers les murs de Paris,
Digne patron des badauds attendris,
Dans ton faubourg, où l’on chôme ta fête,
Tenir encor et rebaiser ta tête[2]. "



Le bon Denys, levant les mains aux cieux,
Lui répondit d’un ton tendre et pieux :

  1. Tout ce morceau est visiblement imité d'Homère. Minerve dit à Mars ce que le sage Denis dit ici au fier George : « O Mars! ô Mars! dieu sanglant, qui ne te plais qu'aux combats, etc. » (Note de Voltaire, 1762.)
  2. Voyez la note de Voltaire sur le vers 200 du chant premier. (R.)