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Ces mécréants, au grand œuvre attachés,
N’écoutaient rien, sur leurs nonnains juchés :
Tels des ânons broutent des fleurs naissantes
Malgré les cris du maître et des servantes.
Jeanne, qui voit leurs impudents travaux,
De grande horreur saintement transportée,
Invoquant Dieu, de Denys assistée,
Le fer en main, vole de dos en dos,
De nuque en nuque, et d’échine en échine,
Frappant, perçant de sa pique divine,
Pourfendant l’un alors qu’il commençait ;
Dépêchant l’autre alors qu’il finissait,
Et moissonnant la cohorte félonne ;
Si que chacun fut percé sur sa nonne,
Et perdant l’âme au fort de son désir,
Allait au diable en mourant de plaisir.



Isâc Warton, dont la lubrique rage
Avait pressé son détestable ouvrage,
Ce dur Warton fut le seul écuyer
Qui de sa nonne osa se délier,
Et droit en pied, reprenant son armure
Attendit Jeanne, et changea de posture.



O vous, grand saint, protecteur de l’État,
Bon saint Denys, témoin de ce combat,
Daignez redire à ma muse fidèle
Ce qu’à vos yeux fit alors ma Pucelle.
Jeanne d’abord frémit, s’émerveilla :
" Mon cher Denys ! mon saint ! que vois-je là ?
Mon corselet, mon armure céleste,
Ce beau présent que tu m’avais donné,
Brille à mes yeux au dos de ce damné !
Il a mon casque, il a ma soubreveste. "
Il était vrai ; la Jeanne avait raison :
La belle Agnès, en troquant de jupon,
De cette armure en secret habillée,
Par Jean Chandos fut bientôt dépouillée.
Isâc Warton, écuyer de Chandos,
Prit cette armure et s’en couvrit le dos.



O Jeanne d’Arc ! ô fleur des héroïnes !
Tu combattais pour des armes divines,
Pour ton grand roi si longtemps outragé,
Pour la pudeur de cent bénédictines,