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Couchons ensemble, afin que si le diable
Veut contre nous faire ici quelque effort,
Nous trouvant deux, le diable en soit moins fort. "
La dame errante accepta la partie :
Elle se couche, et croit faire œuvre pie,
Croit qu’elle est sainte, et que le ciel l’absout ;
Mais son destin la poursuivait partout.



Puis-je au lecteur raconter sans vergogne
Ce que c’était que cette sœur Besogne ?
Il faut le dire, il faut tout publier.
Ma sœur Besogne était un bachelier
Qui d’un Hercule eut la force en partage
Et d’Adonis le gracieux visage[1],
N’ayant encor que vingt ans et demi,
Blanc comme lait, et frais comme rosée.
La dame abbesse, en personne avisée,
En avait fait depuis peu son ami.
Sœur bachelier vivait dans l’abbaye,
En cultivant son ouaille jolie :
Ainsi qu’Achille, en fille déguisé,
Chez Lycomède était favorisé
Des doux baisers de sa Déidamie.



La pénitente était à peine au lit,
Avec sa sœur, soudain elle sentit
Dans la nonnain métamorphose étrange.
Assurément elle gagnait au change.
Crier, se plaindre, éveiller le couvent,
N’aurait été qu’un scandale imprudent.
Souffrir en paix, soupirer et se taire,
Se résigner est tout ce qu’on peut faire ;
Puis rarement en telle occasion
On a le temps de la réflexion.
Quand soeur Besogne à sa fureur claustrale
(Car on se lasse) eut mis quelque intervalle,
La belle Agnès, non sans contrition,
Fit en secret cette réflexion:

  1. Le chevalier Robert, dans Ce qui plaît aux dames, est doué des mêmes qualités physiques que la prétendue sœur Besogne :
    ...Il avait reçu pour apanage
    Les dons brillants dn la fleur du bel âge,
    Force d'Hercule et grâce d'Adonis.