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Pour découvrir si l’on avait nouvelle
Touchant Agnès, et touchant la Pucelle.



Quand deux mâtins, deux coqs et deux amants,
Nez contre nez, se rencontrent aux champs ;
Lorsqu’un suppôt de la grâce efficace[1]
Trouve un cou tors de l’école d’Ignace ;
Quand un enfant de Luther ou Calvin
Voit par hasard un prêtre ultramontain,
Sans perdre temps un grand combat commence,
A coups de gueule, ou de plume, ou de lance.
Semblablement les gendarmes de France,
Tout du plus loin qu’ils virent les Bretons,
Fondent dessus, légers comme faucons.
Les gens anglais sont gens qui se défendent ;
Mille beaux coups se donnent et se rendent.
Le fier coursier qui notre Agnès portait
Etait actif, jeune, fringant comme elle ;
Il se cabrait, il ruait, il tournait ;
Après allait, sautillant sur la selle.
Bientôt au bruit des cruels combattants
Il s’effarouche, il prend le mord aux dents.
Agnès en vain veut d’une main timide
Le gouverner dans sa course rapide ;
Elle est trop faible : il lui fallut enfin
A son cheval remettre son destin.



Le beau Monrose, au fort de la mêlée,
Ne peut savoir où sa nymphe est allée ;
Le coursier vole aussi prompt que le vent ;
Et sans relâche ayant couru six mille,
Il s’arrêta dans un vallon tranquille
Tout vis-à-vis la porte d’un couvent.
Un bois était près de ce monastère :
Auprès du bois une onde vive et claire
Fuit et revient, et par de longs détours
Parmi des fleurs, elle poursuit son cours.
Plus loin s’élève une colline verte,
A chaque automne enrichie et couverte
Des doux présents dont Noé nous dota,
Lorsqu’à la fin son grand coffre il quitta,
Pour réparer du genre humain la perte,

  1. Un janséniste.