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Dont il advint que l’Anglaise infidèle
Au Poitevin tendit ses deux beaux bras,
Et qu’Arondel jouit des doux appas
De Dorothée, et fut enchanté d’elle.
L’abbé Trithème a même prétendu
Que Magdeleine, à ce troc imprévu,
Du haut des cieux s’était mise à sourire.
On peut le croire, et la justifier.
La vertu plaît : mais, malgré son empire,
On a du goût pour son premier métier.



Il arriva que les quatre parties
De Sainte-Baume à peine étaient sorties,
Que le miracle alors n’opéra plus.
Il n’a d’effet que dans l’auguste enceinte,
Et dans le creux de cette roche sainte.
Au bas du mont, La Trimouille confus
D’avoir haï quelque temps Dorothée,
Rendant justice à ses touchants attraits.
La retrouva plus tendre que jamais,
Plus que jamais elle s’en vit fêtée ;
Et Dorothée, en proie à sa douleur,
Par son amour expia son erreur
Entre les bras du héros qu’elle adore.
Sire Arondel reprit sa Rosamore,
Dont le courroux fut bientôt désarmé.
Chacun aima comme il avait aimé ;
Et je puis dire encor que Magdeleine
En les voyant leur pardonna sans peine.



Le dur Anglais, l’aimable Poitevin,
Ayant chacun leur héroïne en croupe,
Vers Orléans prirent leur droit chemin,
Tous deux brûlant de rejoindre leur troupe,
Et de venger l’honneur de leur pays.
Discrets amants, généreux ennemis,
Ils voyageaient comme de vrais amis,
Sans désormais se faire de querelles,
Ni pour leurs rois, ni même pour leurs belles.