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Nous nous donnons cent coups d’estramaçon
Très-sottement ; courons vite après elles,
Reprenons-les, et nous nous rebattrons
Pour leurs beaux yeux quand nous les trouverons. "
L’autre en convient, et, différant la fête,
En bons amis ils se mettent en quête
De leur maîtresse. A peine ils font cent pas,
Que l’un s’écrie : " Ah ! la cuisse ! ah ! le bras ! "
L’autre criait la poitrine et la tête ;
Et n’ayant plus ces esprits animaux
Qui vont au cœur et qui font les héros,
Ayant perdu cette ardeur enflammée
Avec leur sang au combat consumée,
Tous deux meurtris, faibles, et languissants,
Sur le gazon tombent en même temps
Et de leur sang ils rougissent la terre.
Leurs écuyers, qui suivaient Martinguerre,
Vont à sa piste, et gagnent le pays.
Les deux héros, sans valets, sans habits,
Et sans argent, étendus dans la plaine,
Manquant de tout, croyaient leur fin prochaine ;
Lorsqu’une vieille, en passant vers ces lieux,
Les voyant nus, s’approcha plus près d’eux,
Et eut pitié, les fit sur des civières
Porter chez elle, et par des restaurants
En moins de rien leur rendit tous leurs sens,
Leur coloris, et leurs forces premières.



La bonne vieille, en ce lieu respecté,
Est en odeur qu’on dit de sainteté.
Devers Ancône il n’est point de béate,
Point d’âme sainte en qui la grâce éclate
Par des bienfaits plus signalés, plus grands.
Elle prédit la pluie et le beau temps ;
Elle guérit les blessures légères
Avec de l’huile et de saintes prières ;
Elle a parfois converti des méchants.



Les paladins à la vieille contèrent
Leur aventure, et conseil demandèrent.
La décrépite alors se recueillit,
Pria Marie, ouvrit la bouche, et dit :
" Allez en paix, aimez tous deux vos belles,
Mais que ce soit à bonne intention ;