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A cet objet, la belle Dorothée,
D’étonnement et d’amour transportée :
" Ah, Dieu puissant ! se mit-elle à crier,
Serait-ce lui ! serait-il bien possible !
A mes malheurs le ciel est trop sensible. "



Les Milanais, peuple très-curieux,
Vers l’écuyer avaient tourné les yeux.



Eh ! cher lecteur, n’êtes vous pas honteux
De ressembler à ce peuple volage,
Et d’occuper vos yeux et votre esprit
Du changement qui dans Milan se fit ?
Est-ce donc là le but de mon ouvrage ?
Songez, lecteurs, aux remparts d’Orléans,
Au roi de France, aux cruels assiégeants,
A la Pucelle, à l’illustre amazone,
La vengeresse et du peuple et du trône,
Qui, sans jupon, sans pourpoint ni bonnet,
Parmi les champs comme un centaure allait,
Ayant en Dieu sa plus ferme espérance,
Comptant sur lui plus que sur sa vaillance,
Et s’adressant à monsieur saint Denys,
Qui cabalait alors en paradis
Contre saint George en faveur de la France.



Surtout, lecteur, n’oubliez point Agnès,
Ayez l’esprit tout plein de ses attraits :
Tout honnête homme, à mon gré, doit s’y plaire.
Est-il quelqu’un si morne et si sévère,
Que pour Agnès il soit sans intérêt ?



Et franchement dites-moi, s’il vous plaît,
Si Dorothée au feu fut condamnée ;
Si le Seigneur, du haut du firmament,
Sauva le jour à cette infortunée :
Semblable cas advient très-rarement.
Mais que l’objet où votre cœur s’engage,
Pour qui vos pleurs ne peuvent s’essuyer,
Soit dans les bras d’un robuste aumônier,
Ou semble épris pour quelque jeune page,
Cet accident peut être est plus commun ;
Pour l’amener ne faut miracle aucun.
Je l’avouerai, j’aime toute aventure
Qui tient de près à l’humaine nature ;
Car je suis homme, et je me fais honneur