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" Qui que tu sois qui me poursuis ici,
Si tu n’as point un cœur né pour le crime,
N’abuse point du malheur qui m’opprime ;
Jeune étranger, conserve mon honneur,
Sois mon appui, sois mon libérateur. "
Elle ne put en dire davantage :
Elle pleura, détourna son visage,
Triste, confuse, et tout bas promettant
D’être fidèle au bon roi son amant.
Monrose ému fut un temps en silence ;
Puis il lui dit d’un ton tendre et touchant :
" O de ce monde adorable ornement,
Que sur les cœurs vous avez de puissance !
Je suis à vous, comptez sur mon secours ;
Vous disposez de mon cœur, de mes jours,
De tout mon sang ; ayez tant d’indulgence
Que d’accepter que j’ose vous servir :
Je n’en veux point une autre récompense ;
C’est être heureux que de vous secourir. "
Il tire alors un flacon d’eau des carmes ;
Sa main timide en arrose ses charmes,
Et les endroits de roses et de lis
Qu’avaient la selle et la chute meurtris.
La belle Agnès rougissait sans colère,
Ne trouvait point sa main trop téméraire,
Et le lorgnait sans bien savoir pourquoi,
Jurant toujours d’être fidèle au roi.
Le page ayant employé sa bouteille
" Rare beauté, dit-il, je vous conseille
De cheminer jusques au bourg voisin :
Nous marcherons par ce petit chemin.
Dedans ce bourg nul soldat ne demeure ;
Nous y serons avant qu’il soit une heure
J’ai de l’argent ; et l’on vous trouvera
Et coiffe, et jupe, et tout ce qu’il faudra
Pour habiller avec plus de décence
Une beauté digne d’un roi de France. "



La dame errante approuva son avis ;
Monrose était si tendre et si soumis,
Était si beau, savait à tel point vivre,
Qu’on ne pouvait s’empêcher de le suivre.



Quelque censeur, interrompant le fil