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Mais voici bien le pis de mon histoire.



" Le muletier, qui pressait dans ses bras
De Jeanne d’Arc les robustes appas,
En me voyant si gentille et si belle,
Brûla soudain d’une flamme nouvelle.
Hélas ! mon cœur ne le soupçonnait pas
De convoiter des charmes délicats.
Un cœur grossier connaître l’inconstance !
Il lâcha prise, et j’eus la préférence.
Il quitte Jeanne ; ah ! funeste beauté !
A peine Jeanne est-elle en liberté,
Qu’elle aperçut le brillant cimeterre
Qu’avait Dunois laissé tomber par terre,
Du fer tranchant sa dextre se saisit ;
Et, dans l’instant que le rustre infidèle
Quittait pour moi la superbe Pucelle,
Par le chignon Jeanne d’Arc m’abattit,
Et, d’un revers, la nuque me fendit.
Depuis ce temps, je n’ai nulle nouvelle
Du muletier, de Jeanne la cruelle,
D’Hermaphrodix, de l’âne, de Dunois.
Puissent-ils tous être empalés cent fois !
Et que le ciel, qui confond les coupables,
Pour mon plaisir les donne à tous les diables ! "
Ainsi parlait le moine avec aigreur,
Et tout l’enfer en rit d’assez bon cœur.