CHANT V
Omes amis ! vivons en bons chrétiens !
C’est le parti, croyez-moi, qu’il faut prendre.
A son devoir il faut enfin se rendre.
Dans mon printemps j’ai hanté des vauriens ;
A leurs désirs ils se livraient en proie,
Souvent au bal, jamais dans le saint lieu,
Soupant, couchant chez des filles de joie,
Et se moquant des serviteurs de Dieu.
Qu’arrive-t-il ? la Mort, la Mort fatale,
Au nez camard, à la tranchante faux,
Vient visiter nos diseurs de bons mots ;
La Fièvre ardente, à la marche inégale,
Fille du Styx, huissière d’Atropos,
Porte le trouble en leurs petits cerveaux :
A leur chevet une garde, un notaire,
Viennent leur dire : " Allons, il faut partir ;
Où voulez-vous, monsieur, qu’on vous enterre[1] ? "
Lors un tardif et faible repentir
Sort à regret de leur mourante bouche.
L’un à son aide appelle saint Martin,
L’autre saint Roch, l’autre sainte Mitouche.
- ↑ Ce vers est emprunté au Légataire universel de Reguard. Le notaire Scrupule dit à Crispin [acte IV, scène vi) :
Fort bien ! Où voulez-vouss, monsieur, qu'on vous enterre ? - ↑ On disait autrefois sainte n'y touche, et en disait bien. On voit aisément que c'est une femme qui a l'air de n'y pas toucher; c'est par corruption qu'on dit sainte Mitouche. La langue dégénère tous les jours. J’aurais souhaité que l’auteur eût eu le courage de dire sainte n'y touche, comme nos pères. (Note de Voltaire. 1762.)