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Je ne suis point injuste, et je ne prétends pas
À Médicis encore imputer son trépas :
J’écarte des soupçons peut-être légitimes,
Et je n’ai pas besoin de lui chercher des crimes[1].
Ma mère enfin mourut. Pardonnez à des pleurs
Qu’un souvenir si tendre arrache à mes douleurs.
Cependant tout s’apprête, et l’heure est arrivée[2]
Qu’au fatal dénoûment la reine a réservée.
« Le signal est donné sans tumulte et sans bruit[3] ;
C’était à la faveur des ombres de la nuit[4].
De ce mois malheureux l’inégale courrière[5]

    hugue-, et qu'apparemment ils auraient parlé de poison s'ils y avaient trouve quelque vraisemblance. On peut me répondre qu'ils furent gagnés par la cour : mais Desnœuds, chirurgien de Jeanne d'Albret, huguenot passionné, écrivit depuis des libelles contre la cour; ce qu'il n'eût pas fait s'il se fût vendu à elle; et, dans ces libelles, il ne dit point que Jeanne d'Albret ait été empoisonnée. De plus il n'est pas croyable qu'une femme aussi habile que Catherine de Médicis eût chargé d'une pareille commission un misérable parfumeur, qui avait, dit-on, l'insolence de s'en vanter. Jeanne d'Albret était née, en 1530, de Henri d'Albret, roi de Navarre, et de Marguerite de Valois, sœur de François Ier. A l'âge de douze ans, Jeanne fut mariée à Guillaume, duc de Clèves; elle n'habita pas avec son mari. Le mariage fut déclaré nul deux ans après par le pape Paul III, et elle épousa Antoine de Bourbon. Ce second mariage, contracté du vivant du premier mari, donna lieu depuis aux prédicateurs de la Ligue de dire publiquement, dans leurs sermons contre Henri IV, qu'il était bâtard; mais ce qu'il y eut de plus étrange fut que les Guises, et entre autres ce François de Guise qu'on dit avoir été si bon chrétien, abusèrent de la faiblesse d'Antoine de Bourbon au point de lui persuader de répudier sa femme, dont il avait des enfants, pour épouser leur nièce, et se donner entièrement à eux. Peu s'en fallut que le roi de Navarre ne donnât dans ce piège. Jeanne d'Albret mourut à quarante-deux ans, le 9 juin 1572. M. Bayle, dans ses Réponses aux questions d'un provincial, dit qu’on avait vu de son temps, en Hollande, le fils d"un ministre, nommé Goyon, qui passait pour petit-fils de cette reine. On prétendait qu'après la mort d'Antoine de Navarre, elle s'était mariée à un gentilhomme nommé Goyon, dont elle avait eu ce ministre. (Note de Voltaire, 1723.)

  1. Ce vers est dans Artémire, acte I, scène i; voyez t. Ier du Théâtre, p. 126.
  2. Racine a dit (Bajazet, acte II, scène i) :
    Prince, l'heure fatale est enfin arrivée
    Qu'à votre liberté le ciel a réservée.
  3. Ici commence la célèbre peinture du massacre de la Saint-Barthélémy.
  4. Ce fut la nuit du 23 au 24 août, fête de saint Barthélémy, en 1572, que s'exécuta cette sanglante tragédie.



    L'amiral était logé dans la rue Bétizy, dans une maison qui est à présent une auberge, appelée l'hôtel Saint-Pierre, où l'on voit encore sa chambre. (Note de Voltaire, 1730.)
  5. Malherbe, dans son Ode à la reine sur sa bienvenue en France, a dit :
    Des mois l'inégale courrière.