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Il m’instruisait d’exemple[1] au grand art des héros :
Je voyais ce guerrier, blanchi dans les travaux,
Soutenant tout le poids de la cause commune
Et contre Médicis et contre la fortune ;
Chéri dans son parti, dans l’autre respecté ;
Malheureux quelquefois, mais toujours redouté ;
Savant dans les combats, savant dans les retraites ;
Plus grand, plus glorieux, plus craint dans ses défaites
Que Dunois ni Gaston ne l’ont jamais été
Dans le cours triomphant de leur prospérité.
« Après dix ans entiers de succès et de pertes,
Médicis, qui voyait nos campagnes couvertes
D’un parti renaissant qu’elle avait cru détruit,
Lasse enfin de combattre et de vaincre sans fruit,
Voulut, sans plus tenter des efforts inutiles,
Terminer d’un seul coup les discordes civiles,
La cour de ses faveurs nous offrit les attraits ;
Et n’ayant pu nous vaincre, on nous donna la paix.
Quelle paix, juste Dieu ! Dieu vengeur que j’atteste,
Que de sang arrosa son olive funeste !
Ciel ! faut-il voir ainsi les maîtres des humains
Du crime à leurs sujets aplanir les chemins[2] !
« Coligny, dans son cœur à son prince fidèle,
Aimait toujours la France en combattant contre elle :
Il chérit, il prévint l’heureuse occasion[3]
Qui semblait de l’État assurer l’union.
Rarement un héros connaît la défiance :
Parmi ses ennemis il vint plein d’assurance ;
Jusqu’au milieu du Louvre il conduisit mes pas.
Médicis en pleurant me reçut dans ses bras,
Me prodigua longtemps des tendresses de mère,
Assura Coligny d’une amitié sincère,
Voulait par ses avis se régler désormais,

  1. Voltaire lui-même indique cette expression comme étant de Corneille. Voyez le Cid, acte Ier, scène vi.
  2. On lit dans Phèdre, acte IV, scène vi :
    Et leur osent du crimo aplanir le chemin.
  3. Racine a dit dans Iphigénie, acte III, scène iii :
    Puis-je ne point chérir l'heureuse occasion
    D'aller du sang troyen sceller notre union?