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CHANT DEUXIÈME

ARGUMENT
Henri le Grand raconte à la reine Élisabeth l’histoire des malheurs de la France  : il remonte à leur origine, et entre dans le détail des massacres de la Saint-Barthélemy.


« Reine, l’excès des maux où la France est livrée[1]
Est d’autant plus affreux que leur source est sacrée
C’est la religion dont le zèle inhumain
Met à tous les Français les armes à la main.
Je ne décide point entre Genève et Rome[2].
De quelque nom divin que leur parti les nomme,
J’ai vu des deux côtés la fourbe et la fureur ;
Et si la perfidie est fille de l’erreur,
Si, dans les différends où l’Europe se plonge,
La trahison, le meurtre est le sceau du mensonge,
L’un et l’autre parti, cruel également,
Ainsi que dans le crime est dans l’aveuglement.
Pour moi, qui, de l’État embrassant la défense,

  1. Il n'y a que ce seul chant dans lequel l'auteur n'ait jamais rien changé. (Note de Voltaire, 1756 à 1775.) — La tradition veut que Voltaire ait compose tout ce chant en dormant, lorsqu'il était détenu à la Bastille, et qu'à son réveil il l’ait retenu par cœur. Mais le président Hénault nous apprend, dans ses Mémoires, que si Voltaire le fit sans encre ni papier, dans la tour de la Basinière, il était bien éveillé, et qu'il écrivit ses vers au crayon entre les lignes d'un livre qu'il avait. Quoi que le poète dise ici, il y eut des variantes dans ce chant comme dans les autres. Voyez page 88. (G. A.)
  2. Quelques lecteurs peu attentifs pourront s'effaroucher de la hardiesse de ces expressions. Il est juste de ménager sur cela leur scrupule, et de leur faire considérer que les mêmes paroles qui seraient une impiété dans la bouche d'un catholique sont très-séantes dans celle du roi de Navarre. Il était alors calviniste. Beaucoup de nos historiens mêmes nous le peignent flottant entre les deux religions; et certainement, s'il ne jugeait de l'une et de l'autre que par la conduite des deux partis, il devait se défier des deux cultes, qui n'étaient soutenus alors que par des crimes. (Id., 1723.) On le donne ici pour un homme d'honneur, tel qu'il était, cherchant de bonne foi à s'éclairer, ami de la vérité, ennemi de la persécution, et détestant le crime partout où il se trouve. {Id., 1730.)