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Sous des ombrages frais présente un doux asile :
Un rocher, qui le cache à la fureur des flots,
Défend aux aquilons d’en troubler le repos :
Une grotte est auprès, dont la simple structure
Doit tous ses ornements aux mains de la nature.
Un vieillard vénérable avait, loin de la cour,
Cherché la douce paix dans cet obscur séjour.
Aux humains inconnu, libre d’inquiétude[1],
C’est là que de lui-même il faisait son étude ;
C’est là qu’il regrettait ses inutiles jours,
Plongés dans les plaisirs, perdus dans les amours.
Sur l’émail de ces prés, au bord de ces fontaines,
Il foulait à ses pieds les passions humaines :
Tranquille, il attendait qu’au gré de ses souhaits
La mort vînt à son Dieu le rejoindre à jamais.
Ce Dieu qu’il adorait prit soin de sa vieillesse ;
Il fit dans son désert descendre la sagesse ;
Et, prodigue envers lui de ses trésors divins,
Il ouvrit à ses yeux le livre des destins.
Ce vieillard, au héros que Dieu lui fit connaître,
Au bord d’une onde pure offre un festin champêtre.
Le prince à ces repas était accoutumé :
Souvent sous l’humble toit du laboureur charmé,
Fuyant le bruit des cours, et se cherchant lui-même[2],
Il avait déposé l’orgueil du diadème.
Le trouble répandu dans l’empire chrétien
Fut pour eux le sujet d’un utile entretien.
Mornay, qui dans sa secte était inébranlable,
Prêtait au calvinisme un appui redoutable ;
Henri doutait encore, et demandait aux cieux
Qu’un rayon de clarté vînt dessiller ses yeux.
De tout temps, disait-il, la vérité sacrée

  1. On trouve dans Boileau, épître VI, vers 153-54 :
    Nous irons, libres d'inquiétude,
    Discourir des vertus dont tu fuis ton étude.
  2. Racine a dit dans Esther, acte Ier, scène Ire :
    Et c'est là que, fuyant l'orgueil du diadème,
    Lasse des vains honneurs, et me cherchant moi-même.