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Que l’oreille des rois s’accoutume à t’entendre.
C’est à toi d’annoncer ce qu’ils doivent apprendre ;
C’est à toi de montrer aux yeux des nations
Les coupables effets de leurs divisions.
Dis comment la Discorde a troublé nos provinces ;
Dis les malheurs du peuple et les fautes des princes :
Viens, parle ; et s’il est vrai que la Fable autrefois
Sut à tes fiers accents mêler sa douce voix ;
Si sa main délicate orna ta tête altière,
Si son ombre embellit les traits de ta lumière,
Avec moi sur tes pas permets-lui de marcher,
Pour orner tes attraits, et non pour les cacher.
Valois[1] régnait encore, et ses mains incertaines
De l’État ébranlé laissaient flotter les rênes[2] ;
Les lois étaient sans force, et les droits confondus ;
Ou plutôt en effet Valois ne régnait plus.
Ce n’était plus ce prince environné de gloire,
Aux combats[3], dès l’enfance, instruit par la victoire,
Dont l’Europe en tremblant regardait les progrès,
Et qui de sa patrie emporta les regrets,
Quand du Nord étonné de ses vertus suprêmes
Les peuples à ses pieds mettaient les diadèmes[4].
Tel brille au second rang qui s’éclipse au premier ;
Il devint lâche roi d’intrépide guerrier
Endormi sur le trône au sein de la mollesse,
Le poids de sa couronne accablait sa faiblesse.
Quélus et Saint-Mégrin, Joyeuse et d’Épernon[5],

  1. Henri III, roi de France, l’un des principaux personnages de ce poëme, y est toujours nommé Valois, nom de la branche royale dont il était. (Note de Voltaire, 1723 et 1730.)
  2. Racine a dit, dans Phèdre, acte V, scène vi :
    Sa main sur ses chevaux laissait flotter les rênes.
  3. Henri III (Valois), étant duc d'Anjou, avait commandé les armées de Charles IX, son frère, contre les protestants, et avait gagné, à dix-huit ans, les
    batailles de Jarnac et de Moncontour. (Note de Voltaire, 1730.)
  4. Le duc d'Anjou fut élu roi de Pologne par les mouvements que se donna Jean de Montluc, cvêquo de Valence, ambassadeur de France en Pologne; et Henri
    n'alla qu'à regret recevoir cette couronne; mais, ayant appris, en 1574, la mort de son frère, il ne tarda point à revenir en France. (Note de Voltaire, 1741.)
  5. C'étaient eux qu'on appelait les mignons de Henri III. Saint-Luc, Livarot, Villequier, Duguast et Maugiron eurent part aussi et à sa faveur et à ses débauches. Il est certain qu'il eut pour Quélus une passion capable des plus grands