Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/581

Cette page n’a pas encore été corrigée

LE TEMPLE DU GOUT. 563

Les portes dos p;il;iis ii leur cal)a!e iiii|)ie.

C'est là (\ue d'im .Midiis ils lïist'iiieiU les yeux;

Un fat leur applaudit, un méchant les appuie:

Le mérite indigné, qui se tait devant eux,

Verse en secret des pleurs, que le temps seul essuie.

Ces lâches persécuteurs s'enfuirent en voyant paraître mes deux guides. Leur fuite précipitée fit place à un spectacle plus plaisant : c'était une foule d'écrivains de tout rang, de tout état, et de tout Age, qui grattaient à la ])orte, et qui priaient la Critique de les laisser entrer. L'un apportait un roman mathématique, l'autre une harangue à l'Académie; celui-ci venait de composer une comédie métaphysique, celui-là tenait un petit recueil de ses poésies, imprimé depuis longtemps incognito, avec une longue approhation^ et un privilège. Cet autre venait présenter un man- dement en style précieux, et était tout surpris qu'on se mît à rire au lieu de lui demander sa hénédiction. « Je suis le révérend P. Alhertus Carassus, disait un moine noir ; je prêche mieux que Bourdaloue : car jamais Bourdaloue ne fit hrûler de livres ; et moi j'ai déclamé avec tant d'éloquence contre Pierre Bayle, dans une petite province toute pleine d'esprit, j'ai touché tellement les auditeurs, qu'il y en eut six qui hrillèrent chacun leur Bayle. Jamais l'éloquence n'ohtint un si heau triomphe. — Allez, frère Garassus, lui dit la Critique, allez, harbare; sortez du Temple du Goût; sortez de ma présence, Visigoth moderne, qui avez insulté celui que j'ai inspiré. — J'apporte ici Marie Alacoque, disait un homme fort grave-. — Allez souper avec elle, répondit la déesse. »

Un raisonneur avec un fausset aigre

Criait : « Messieurs, je suis ce juge intègre

Qui toujours parle, arguë, et contredit;

Je viens sitïler tout ce qu'on applaudit. »

Lors la Critique apparut, et lui dit :

« Ami Bardou, vous êtes un grand maître,

Mais n'entrerez en cet aimable lieu;

��\. La plupart des mauvais livres sont imprimés avec des approbations pleines d'éloges. Les censeurs des livres manqut^nt en cela de respect au public. Leur devoir n'est pas de dire si un livre est bon, mais s'il n'y a rien contre l'État. {Note de Voltaire, 1733.) — Dans l'édition de 1742, l'auteur réduisit sa note à ces mots : « Beaucoup de mauvais livres sont imprimes avec des approbations pleines d'éloges. » (B.)

2. Languct de Gergy (Jean-Joseph), évêque de Soissons en 1715, et archevêque de Sens en 1730, auteur de la Vie de 'a vénérable mère Marguerite-Marie (née Alacoque), 1720, in-4".

�� �