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VARIANTE DE LA NOTE DE M. SfORZA. 479

son ouvrage ne m'est point dû ; je n'ai servi qu'à lui aplanir les difficultés do notre langue, dans un temps où je la parlais mieux qu'aujourd'hui, parce que les instructions des académiciens mes confrères étaient plus fraîches dans ma mémoire. Je n'ai été que son grammairien ; s'il m'arracha à ma patrie, à ma famille, à mes amis, h mes emplois, à ma fortune, si je lui sacrifiai tout, j'en fus récompensé en étant le confident de ses ouvrages; et quant à l'honneur qu'il daigna me faire de me demander à mon roi pour être au nombre de ses chambellans, ceux qui me l'ont reproché ne savent pas que cette dignité était nécessaire à un étranger dans sa cour.

« Le mémo auteur ^ accuse d'infidélité les mémoires de Brandebourg, sur ce que l'illustre auteur dit que le roi son grand-père recueillit vingt mille Français dans ses États : rien n'est plus vrai. Le critique ignore que celui qui a fait l'histoire de sa patrie connaît le nombre de ses sujets comme celui de ses soldats.

« A qui doit-on croire, ou à celui qui écrit au hasard qu'il n'y eut pas dix mille Français réfugiés dans les provinces de la maison de Prusse, ou au souverain qui a dans ses archives la liste des vingt mille personnes aux- ([uelles on donna des secours, et qui les méritèrent si bien en apportant chez lui tant d'arts utiles?

« Ce critique ajoute qu'il n'y a pas eu cinquante familles françaises réfu- giées à Genève. Je connais cette ville florissante, voisine de mes terres; je certifie, sur le rapport unanime de tous ses citoyens que j'ai eu l'honneur de voir à ma campagne, magistrats, professeurs, négociants, qu'il y a eu beaucoup au delà de mille familles françaises dans Genève ; et, de ces familles à qui l'auteur reproche leur misère vagabonde, j'en connais plusieurs qui ont acquis de. très-grandes richesses par des travaux honorables.

« La plupart des calculs de cet auteur ne sont pas moins erronés. Celui qui a eu le malheur d'être l'apologiste de la Saint-Barthélémy, celui qui a été forcé de falsifier toute l'histoire ancienne pour établir la persécution, celui-là, dis-je, méritait-il de trouver la vérité ?

« S'il y a eu parmi les catholiques un homme capable de préconiser les massacres de la Saint-Barthélémy, nous venons de voir dans le parti opposé un écrivain anonyme qui, avec beaucoup moins d'esprit et de connais- sances, et non moins d'inhumanité, a essayé de justifier les meurtres que son parti commettait autrefois, lorsque des fanatiques errants immolaient d'autres fanatiques qui ne rêvaient pas de la même manière qu'eux.

« Quel est le plus condamnable, ou d'un siècle ignorant et barbare dans lequel on commettait de telles cruautés, ou d'un siècle éclairé et poli dans lequel on les approuve ?

'( C'est ainsi que des ennemis de l'humanité écrivent sur plus d'une matière depuis quelques années ; et ce sont ces livres qu'on tolère! Il sem- ble que des démons aient conspiré pour étouffer en nous toute pitié, et pour nous ravir la paix dans tous les genres et dans toutes les conditions.

« Ce n'est pas assez que le fléau de la guerre ensanglante et bouleverse

1. Page 84. {Note de Voltaire.)

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