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ODE XV.
SUR LA MORT
DE S. A. S. Mme LA PRINCESSE DE BAREITH[1].
(1759)
Lorsqu'on des tourbillons de flamme et de fumée
Cent tonnerres d'airain, précédés des éclairs,
De leurs globes brûlants renversent une armée ;
Quand de guerriers mourants les sillons sont couverts.
- Tous ceux qu'épargna la foudre,
- Voyant rouler dans la poudre
- Leurs compagnons massacrés,
- Sourds à la Pitié timide.
- Marchent d'un pas intrépide
- Sur leurs membres déchirés.
Ces féroces humains, plus durs, plus inflexibles
Que l'acier qui les couvre au milieu des combats,
- ↑ Voyez la Note de M. Morza, page 407.
Frédérique-Sophic-Wilhelmine, sœur de Frédéric II, roi de Prusse, née le 3 juillet 1709, est morte le 14 octobre 1758. Frédéric, qui avait la plus grande amitié pour la margrave, écrivit à Voltaire : « Rassemblez, je vous prie, toutes vos forces pour élever un monument à son bonneur. » Voltaire envoya au roi les vers qui sont dans la lettre de décembre 1758.
Ces vers ne satisfirent pas Frédéric. « Je désire, écrivait-il à Voltaire le 23 janvier 1759, quelque chose de plus éclatant et de public. Il faut que toute l'Europe pleure avec moi une vertu trop peu connue ; il ne faut point que mon nom partage cet éloge ; il faut que tout le monde sache qu'elle est digne de l'immortalité, et c'est à vous de l'y placer. On dit qu'Apelle était le seul digne de peindre Alexandre : je crois votre plume la seule digne de rendre ce service à celle qui sera le sujet éternel de mes larmes. »
Ce fut alors que Voltaire envoya son ode, datée du 4 février 1759. Le roi de Prusse, dans sa lettre du 22 avril 1759, fait quelques observations sur cette pièce. (B.)