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CONCLUSION.

ment d’un auteur qui emploierait les dieux du paganisme, et de celui qui se servirait de nos saints : Vénus et Junon doivent rester dans les anciens poëmes grecs et latins ; sainte Geneviève, saint Denis, saint Roch, et saint Christophe, ne doivent se trouver ailleurs que dans notre légende. Les cornes et les queues des diables ne sont tout au plus que des sujets de raillerie ; on ne daigne pas même en plaisanter.

Les Italiens s’accommodent assez des saints, et les Anglais ont donné beaucoup de réputation au diable ; mais bien des idées qui seraient sublimes pour eux ne nous paraîtraient qu’extravagantes. Je me souviens que lorsque je consultai, il y a plus de douze ans[1], sur ma Henriade feu M. de Malezieux, homme qui joignait une grande imagination à une littérature immense, il me dit : « Vous entreprenez un ouvrage qui n’est pas fait pour notre nation : les Français n’ont pas la tête épique. » Ce furent ses propres paroles, et il ajouta : « Quand vous écririez aussi bien que MM. Racine et Despréaux, ce sera beaucoup si on vous lit. »

C’est pour me conformer à ce génie sage et exact qui règne dans le siècle où je vis, que j’ai choisi un héros véritable au lieu d’un héros fabuleux ; que j’ai décrit des guerres réelles, et non des batailles chimériques ; que je n’ai employé aucune fiction qui ne soit une image sensible de la vérité. Quelque chose que je dise de plus sur cet ouvrage, je ne dirai rien que les critiques éclairés ne sachent ; c’est à la Henriade seule à parler en sa défense[2], et au temps seul de désarmer l’envie.

FIN DE L ESSAI SUR LA POÉSIE ÉPIQUE.
  1. Toute la Conclusion parut en 1733 telle qu’elle est aujourd’hui, mais bien différente de ce qu’était la fin de l’Essai dans la traduction par Desfontaines. (B.)
  2. C’est ici qu’en 1733 et 1742 finissait l’ouvrage ; dans les éditions de 1746, 1748, 1751, et 1752, on lit : « et le temps seul peut désarmer l’envie. » La version actuelle est de 1756. (B.)