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au premier livre (vers 56-67), dans la description de Satan et des enfers.

[…] Round he throws his baleful eyes
That witness’d huge affliction and dismay
Mix’d with obdurate pride and stedfast hate :
At once, as far as angels ken, he views
The dismal situation waste and wild ;
À dungeon horrible on all sides round,
As one great furnace flam’d ; yet from those flames
No light, but rather darkness visible
Serv’d only to discover sights of woe.
Régions of sorrow, doleful shades, where peace
And rest can never dwell, hope never comes
That comes to all, etc.

« Il promène de tous côtés ses tristes yeux, dans lesquels sont peints le désespoir et l’horreur, avec l’orgueil et l’irréconciliable haine. Il voit d’un coup d’œil, aussi loin que les regards des chérubins peuvent percer, ce séjour épouvantable, ces déserts désolés, ce donjon immense, enflammé comme une fournaise énorme. Mais de ces flammes il ne sortait point de lumière ; ce sont des ténèbres visible, qui servent seulement à découvrir des spectacles de désolation ; des régions de douleur, dont jamais n’approchent le repos ni la paix, où l’on ne connaît point l’espérance connue partout ailleurs. »

Antonio de Solis, dans son excellente Histoire de la conquête du Mexique, après avoir dit que l’endroit où Montézume consultait ses dieux était une large voûte souterraine où de petits soupiraux laissaient à peine entrer la lumière, ajoute : Ô permitian solamente la (luz), que bastava, para que se viesse la obscuridad[1] : « Ou laissaient entrer seulement autant de jour qu’il en fallait pour voir l’obscurité. » Ces ténèbres visibles de Milton ne sont point condamnées en Angleterre, et les Espagnols ne reprennent point cette même pensée dans Solis. Il est très-certain que les Français ne souffriraient point de pareilles libertés. Ce n’est pas assez que l’on puisse excuser la licence de ces expressions ; l’exactitude française n’admet rien qui ait besoin d’excuse.

Qu’il me soit permis, pour ne laisser aucun doute sur cette matière, de joindre un nouvel exemple à tous ceux que j’ai rapportés : je le prendrai dans l’éloquence de la chaire. Qu’un homme, comme le P. Bourdaloue, prêche devant une assemblée

  1. Voir Ant. de Solis, liv. III, ch. xiv, col. 271, édition de 1704, in-fol.