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ESSAI
SUR
LES GUERRES CIVILES
DE FRANCE[1]

Henri le Grand naquit, en 1553, à Pau, petite ville, capitale du Béarn : Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, son père, était du sang royal de France, et chef de la branche de Bourbon (ce qui autrefois signifiait bourbeux), ainsi appelée d’un fief de ce nom, qui tomba dans leur maison par un mariage avec l’héritière de Bourbon.

La maison de Bourbon, depuis Louis IX jusqu’à Henri IV, avait presque toujours été négligée, et réduite à un tel degré de pauvreté qu’on a prétendu que le fameux prince de Condé, frère d’Antoine de Navarre, et oncle de Henri le Grand, n’avait que six cents livres de rente de son patrimoine.

La mère de Henri était Jeanne d’Albret, fille de Henri d’Albret, roi de Navarre, prince sans mérite, mais bonhomme, plutôt indolent que paisible, qui soutint avec trop de résignation la perte de son royaume, enlevé à son père par une bulle du pape, appuyée des armes de l’Espagne. Jeanne, fille d’un prince si faible, eut encore un plus faible époux, auquel elle apporta en mariage la principauté de Béarn, et le vain titre de roi de Navarre.

Ce prince, qui vivait dans un temps de factions et de guerres civiles, où la fermeté d’esprit est si nécessaire, ne fit voir qu’incertitude et irrésolution dans sa conduite. Il ne sut jamais de quel parti ni de quelle religion il était. Sans talent pour la cour, et

  1. L’auteur avait écrit ce morceau en anglais (Note de Voltaire, 1768), lorsqu’on imprima la Henriade à Londres. (Id., 1775.)