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met la transposition do tous les faits qui ne sont point écartés les uns des autres d’un grand nombre d’années, et qui n’ont entre eux aucune liaison nécessaire. Par exemple, je pourrais, sans qu’on eût rien à me reprocher, faire Henri IV amoureux de Gabrielle d’Estrées du vivant de Henri III, parce que la vie et la mort de Henri III n’ont rien de commun avec l’amour de Henri IV pour Gabrielle d’Estrées.

« Les états de la Ligue sont dans le même cas par rapport au siège de Paris : ce sont deux événements absolument indépendants l’un de l’autre. Ces états n’eurent aucun effet; on n’y fit nulle résolution, ils ne contribuèrent en rien aux affaires du parti : le hasard aurait pu les assembler avant le siège comme après, et ils sont bien mieux placés avant le siège dans le poëme : de plus, il faut considérer qu’un poëme épique n’est pas une histoire : on ne saurait trop présenter cette règle aux lecteurs qui n’en seraient pas instruits :

Loin ces rimeurs craintifs dont l’esprit flegmatique
Garde dans ses fureurs un ordre didactique ;
Qui, chantant d’un héros les exploits éclatants.
Maigres historiens, suivront l’ordre des temps !
Ils n’osent un moment perdre un sujet de vue :
Pour prendre Lille il faut que Dôle soit rendue,
Et que leur vers exact, ainsi que Mézeray,
Ait déjà fait tomber les remparts de Courtray. »

Les changements faits à ce chant, tels que la transposition de la tenue des états, mise dans le sixième chant, rendirent la note inutile. Elle ne fut pas même recueillie en 1741 pour l’édition in-4o. Quelques-unes des pensées qui terminent cette note se retrouvent dans l'idée de la Henriade ; voyez ci-dessus, page 39.

Vers 1. — Voici de quelle manière commence l’édition de 1723 :

Le temps vole, et sa perte est toujours dangereuse ;
En vain du grand Bourbon la main victorieuse
Fit dans les champs d’Ivry triompher sa vertu :
Négliger ses lauriers c’est n’avoir point vaincu.
Ces jours, ces doux moments, perdus dans la mollesse,
Rendaient aux ennemis l’audace et l’allégresse;
Déjà dans leur asile oubliant leurs malheurs,
Vaincus, chargés d’opprobre, ils parlaient en vainqueurs.
Les envoyés de Rome et ceux de l’ibérie,
Les ligueurs obstinés, les prêtres en furie,
Pour réparer leur honte et cacher leur effroi,
Dans ces murs désolés veulent choisir un roi.
Ils pensaient, etc.

C’était après ces vers que M. do Voltaire plaçait les états de Paris et le discours de Daubray. Voyez les variantes du sixième chant, tirées de l’édition de 1728; la marche du poëme est la même que dans les dernières éditions, mais les détails du combat de Turenne ont été très-embellis depuis l’édition de 1728. (K.)