La Discorde de loin insulte à sa faiblesse ;
Elle exprime, en grondant, sa barbare allégresse.
Sa fière activité ménage ces instants :
Elle court de la Ligue irriter les serpents ;
Et tandis que Bourbon se repose et sommeille,
De tous ses ennemis la rage se réveille.
Enfin dans ces jardins, où sa vertu languit[1],
Il voit Mornay paraître : il le voit, et rougit.
L’un de l’autre, en secret, ils craignaient la présence.
Le sage, en l’abordant, garde un morne silence ;
Mais ce silence même, et ces regards baissés,
Se font entendre au prince, et s’expliquent assez.
Sur ce visage austère, où régnait la tristesse,
Henri lut aisément sa honte et sa faiblesse.
Rarement de sa faute on aime le témoin :
Tout autre eût de Mornay mal reconnu le soin.
« Cher ami, dit le roi, ne crains point ma colère ;
Qui m’apprend mon devoir est trop sûr de me plaire :
Viens, le cœur de ton prince est digne encor de toi :
Je t’ai vu, c’en est fait, et tu me rends à moi ;
Je reprends ma vertu, que l’Amour m’a ravie :
De ce honteux repos fuyons l’ignominie ;
Fuyons ce lieu funeste, où mon cœur mutiné
Aime encor les liens dont il fut enchaîné.
Me vaincre est désormais ma plus belle victoire[2] :
Partons, bravons l’Amour dans les bras de la Gloire ;
Et bientôt, vers Paris répandant la terreur,
Dans le sang espagnol effaçons mon erreur.
À ces mots généreux, Mornay connut son maître.
« C’est vous, s’écria-t-il, que je revois paraître ;
Vous, de la France entière auguste défenseur ;
Vous, vainqueur de vous-même, et roi de votre cœur !
L’Amour à votre gloire ajoute un nouveau lustre :
Qui l’ignore est heureux, qui le dompte est illustre. »
Il dit. Le roi s’apprête à partir de ces lieux.
Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/255
Cette page n’a pas encore été corrigée