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C’est à toi d’arrêter ce torrent dans sa course[1] ;
Va de tant de hauts faits empoisonner la source ;
Que sous ton joug, Amour, il gémisse abattu ;
Va dompter son courage au sein de la vertu.
C’est toi, tu t’en souviens, toi dont la main fatale
Fit tomber sans effort Hercule aux pieds d’Omphale.
Ne vit-on pas Antoine amolli dans tes fers,
Abandonnant pour toi les soins de l’univers,
Fuyant devant Auguste, et, te suivant sur l’onde,
Préférer Cléopâtre à l’empire du monde ?
Henri te reste à vaincre, après tant de guerriers :
Dans ses superbes mains va flétrir ses lauriers ;
Va du myrte amoureux ceindre sa tête altière ;
Endors entre tes bras son audace guerrière ;
À mon trône ébranlé cours servir de soutien :
Viens, ma cause est la tienne, et ton règne est le mien. »
Ainsi parlait ce monstre ; et la voûte tremblante
Répétait les accents de sa voix effrayante.
L’Amour, qui l’écoutait, couché parmi des fleurs,
D’un souris fier et doux répond à ses fureurs.
Il s’arme cependant de ses flèches dorées :
Il fend des vastes cieux les voûtes azurées,
Et, précédé des Jeux, des Grâces, des Plaisirs,
Il vole aux champs français sur l’aile des Zéphyrs.
Dans sa course d’abord il découvre avec joie
Le faible Simoïs, et les champs où fut Troie ;
Il rit en contemplant, dans ces lieux renommés,
La cendre des palais par ses mains consumés.
Il aperçoit de loin ces murs bâtis sur l’onde,
Ces remparts orgueilleux, ce prodige du monde,
Venise, dont Neptune admire le destin,
Et qui commande aux flots renfermés dans son sein.
Il descend, il s’arrête aux champs de la Sicile,
Où lui-même inspira Théocrite et Virgile,
Où l’on dit qu’autrefois, par des chemins nouveaux,
De l’amoureux Alphée il conduisit les eaux.

  1. Racine a dit dans Iphigénie, acte I, scène i :
    Mais qui peut dans sa course arrêter ce torrent?